Call of Duty: Black Ops 4 aurait dû avoir sa propose campagne solo innovante, mais elle a été remplacée par le mode Blackout au dernier moment. Une année d’effort à la poubelle.
Pour une fois que la série apportait quelque chose de neuf…
Cette semaine, Kotaku a publié un nouvel article qui dénonce les conditions de travail dans un grand studio AAA grâce aux témoignages d’anciens et actuels employés. L’article met énormément en avant le fait que des contracteursde Treyarch sont traités de manière complètement abjecte, mais le journaliste Jason Schreier n’oublie pas de parler de la montagne russe qu’a été le développement de Call of Duty: Black Ops 4.
Quand Black Ops 4 a été annoncé, la première surprise a été de voir que le titre ne possédait pas de campagne solo, ce qui a fait couler beaucoup d’encre et râler beaucoup de joueurs. Quand on s’est rendu compte que c’était pour développer un mode Battle Royale (PUBG et Fortnite cartonnaient déjà), c’était le pompon.
Pourtant, Black Ops 4 aurait dû avoir une campagne, et elle était bien avancée dans son développement. Le truc le plus dingue, c’est qu’elle… innovait. Oui, dans un jeu Call of Duty, ça surprend.
L’idée était que la campagne devait être jouée en coopération contre un autre duo avec un scénario à embranchements selon la victoire et la défaite des joueurs. L’équipe de développeurs avait travaillé dur sur une démo interne pour valider le concept et quelques missions étaient déjà jouables, mais les managers ont décidé que ça n’en valait pas la peine. Nous sommes début 2018 et la date de sortie a été avancée de quelques semaines à cause de Red Dead Redemption 2.
Les gens se disaient : “comment peut-on faire ça ? Créer une campagne entièrement nouvelle en reprenant tout ce que nous avons mis dans cet autre mode qui a échoué, mais qui raconte toujours notre histoire ?” Tout le monde se rend alors compte qu’à ce stade: “c’est absurde. C’est impossible.”
Bien évidemment, la plupart des développeurs du studio jouaient à PUBG à ce moment-là. La solution parue évidente mais ardue : ils avaient seulement 9 mois pour créer un mode Battle Royale afin remplacer une campagne qui ne serait pas prête à temps sans décaler la sortie automnale traditionnelle de la franchise. Bien sûr, Activision a déclaré que cela était le plan depuis le début, sans jamais mentionner la campagne initialement prévue.
Nous avions alors encore moins de temps pour travailler sur un nouveau mode. Les travaux de développement sur Blackout n’ont commencé que neuf mois avant le lancement. Le mode a été conçu en volant presque à l’aveugle. C’est presque qu’un miracle qu’il soit sorti.
Le bilan humain a été — de manière prévisible — très lourd. Entre février et octobre, le crunch n’a connu presque aucun temps mort. Il s’est même étendu au-delà de la sortie du jeu pour corriger les soucis de finition dûes à la précipitation. Les développeurs travaillaient en moyenne 64 heures par semaine du lundi au samedi.
“Aw shit, here we go again”
Ce n’est pas la première fois que Treyarch doit annuler et tout recommencer depuis le début. Déjà sur Black Ops 3, la campagne solo devait être une aventure en open-world, bien loin des canons de la série. Cette 2e annulation d’une campagne ambitieuse et qui apportait du neuf a été dévastatrice sur le moral de l’équipe, indique Jason Schreier.
Le moral était tellement bas que certains développeurs ont très mal supporté le fameux crunch de 9 mois. Des personnes dormaient sur place et d’autres se saoulaient dans les bureaux jusqu’à l’évanouissement.
Il y avait des semaines complètes où je ne prenais pas de weekend. Attaques de panique, burnouts, pertes de repères. Vous sentez que vos limites sont bafouées. Vous perdez toute passion pour ce que vous faites et oubliez pourquoi vous le faisiez en premier lieu. C’est un cauchemar.
Pour le coup, Treyarch est assez réglo sur la rémunération des heures supplémentaires estime certains employés, mais le salaire moyen était tout de même assez bas (même si cela n’est pas comparable avec le département QA). La vie à Los Angeles est tellement chère que certains employés n’ont plus assez d’argent pour vivre sans l’argent des heures sup’. À croire que c’est fait exprès.
Le pire est qu’il était impossible d’avoir une vie en dehors du boulot, puisque les weekends de crunch étaient souvent programmés la semaine même. Bien qu’ils ne soient — techniquement — pas obligatoires, comme dans d’autres studios du genre, il est très mal vu de laisser ses collègues dans la galère, et les managers n’oublieront pas d’appuyer sur cette faute qui n’en est pas une. Une histoire malheuresement assez banal dans le milieu, finalement.
Alors qu’Activision possède trois studios pour travailler à tour de rôle sur la licence Call of Duty, il s’avère que c’est Treyarch qui bossera sur Call of Duty 2020, puisque Sledgehammer Games (COD: WWII) est en pleine restructuration après le départ de ses fondateurs, insatisfaits de la gestion d’Activision. Du jour au lendemain, Treyarch se retrouve avec une année en moins pour développer son prochain jeu alors qu’il vient d’essuyer une période de stress intense.
La vie est quand même une pute.