Robert Kurvitz, lead writer et designer chez ZA/UM, se fend de quelques explications au sujet de ce qui a construit le meilleur RPG de 2019.
Le Thought Cabinet a presque coulé le studio
Vous l’ignoriez peut-être, mais ZA/UM, qui a développé Disco Elysium, était vraiment dans une mauvaise passe avant de sortir son jeu, à tel point que celui-ci aurait pu signer son arrêt de mort si le succès n’avait pas été au rendez-vous. Il faut dire que quand on travaille sur un script de plus d’un million de mots, il s’agit de le rentabiliser. Dans un entretien avec Gamespot, le lead writer et designer Robert Kurvitz parle des inspirations du titre, mais aussi des difficultés rencontrées durant le développement.
Lorsque ZA/UM a commencé à bossé sur Disco Elysium, la renaissance du CRPG était en cours : Pillars of Eternity, Divinity: Original Sin, Shadowrun Returns, Pathfinder: Kingmaker, autant de noms prestigieux qui ont ramené le jeu de rôle sur le devant de la scène. Mais de son côté, ZA/UM voulait la révolution, et presque rien dans la concurrence ne leur laissait penser qu’elle était en marche. Alors ils ont décidé de prendre les choses en main et de s’inspirer notamment de leurs sessions de jeux de rôle papier, mais pas uniquement puisque Kurvitz évoque notamment le réseau Twitter.
Vous savez qui est vraiment doué ? Twitter.
Twitter a représenté notre concurrence. En tant que scénariste, on veut écrire des choses efficaces, rapides à lire, et on veut l’afficher de la manière la plus cool possible. Twitter fait ça très bien.
Si vous regardez notre système de dialogue, il est en forme de colonne. C’est mieux de présenter le texte en colonne, comme dans les journaux et sur Twitter. Comme vous pouvez le voir, le texte se déroule vers le haut, c’est aussi quelque chose qu’on retrouve sur Twitter. Nous voulions construire un système de dialogue qui soit aussi addictif et vif que Twitter.
Les développeurs se sont aussi inspirés de l’univers “violent” de Twitter, le fait qu’il s’agisse du réseau de la confrontation, de l’opposition. Cela se retrouve dans l’écriture de Disco Elysium : il y a toujours une forme de confrontation pour rendre la chose dynamique. C’est une manière d’attirer le joueur vers le texte, de lui montrer que ce n’est pas si ennuyeux que ça peut en avoir l’air.
Les textes semblent vraiment pauvres de nos jours, les textes paraissent incroyablement ennuyeux. Tout le monde dit qu’il ne veut pas lire, mais en même temps c’est ce qu’on fait toute la journée à travers les messages, les réseaux sociaux…
C’est quelque chose que les gens aiment faire : ils aiment passer du temps à regarder du texte, et puis mentir en disant qu’ils ont lu, alors qu’en fait leurs yeux glissent sur les mots. Vous devez écrire de manière aussi incisive et personnelle que possible.
Le moteur de la confrontation
Kurvitz défend le fait que le jeu doit rester très agressif et axé sur la confrontation pour maintenir l’attention du joueur. Il précise aussi que “ce qu’il faut bien comprendre avec le texte, c’est que les gens ne comprennent pas le texte”. Les développeurs ont donc joué avec les multiples perceptions de l’anti-héros au centre de Disco Elysium afin de répéter les choses plusieurs fois, de manières différentes, afin de s’assurer que le joueur comprenne bien les enjeux et ce qui est en train de se passer.
Kurvitz compare cela aux RPG BioWare dans lesquels, avant une décision importante, tous les aventuriers de votre groupe vous disent ce qu’ils feraient dans cette situation. Dans Disco Elysium, c’est la même, mais avec les compétences de dialogue.
Enfin, l’homme assure que le Thought Cabinet, le menu dans lequel nous développons les idées et pensées du personnage, a été un véritable enfer à développer car il fallait bien sûr écrire le tout, mais donner de l’intérêt et permettre aux idées d’évoluer. Au final, ZA/UM, s’est concentré sur l’esprit plutôt que sur l’enveloppe physique du personnage, et cela transpire à travers absolument tout le design du jeu.
On peut le dire, ZA/UM l’a réussie, sa révolution.
Disco Elysium est disponible sur PC, PS4 et XB1.