Il y a quelques mois, la série japonaise Kojima vs Konami commençait, drainant immédiatement des millions de spectateurs. Résumé des épisodes précédents. Dans un accès de rage, Konami avait choisi de tout faire pour oublier Kojima, quitte à déchirer ses photos, jeter toutes les fringues portant son odeur et, surtout, faire disparaître son logo de toutes ses productions. Public était bien entendu le personnage le plus touché de cette histoire, éperdument amoureux de Kojima depuis tant d’années et trouvant de ce fait le traitement qui lui était réservé inadmissible. Le dernier épisode, paru il y a maintenant deux semaines, se terminait sur la dissolution pure et simple de l’entreprise de Kojima par Konami, son ex.
Aujourd’hui est le jour tant attendu. Exit Game of Thrones, voici venir le tout dernier épisode de Kojima vs Konami. Au programme aujourd’hui, des révélations choquantes sur le fonds de l’affaire entre les anciens amoureux, grâce à l’arrivée d’un personnage inédit: Rika Muranaka, compositrice des BO des Metal Gear Solid 1, 2 & 3 et amie de Kojima.
Ce-dernier n’ayant pas encore daigné dégainer le micro pour s’exprimer sur le sujet, des obligations légales étant certainement en jeu, le témoignage de Muranaka est très certainement ce que nous aurons de mieux à nous mettre sous la dent au sujet de cette triste histoire pour les mois à venir. Le moins qu’on puisse dire, c’est que tout ça n’est pas joli-joli et reflète malheureusement une tendance très accentuée dans le monde vidéoludique moderne.
Selon Muranaka, Kojima a été évincé parce qu’il n’avait pas une vision suffisamment business pour Konami. Oui oui, vous avez bien lu. En d’autres termes, Konami reprocherait à Kojima d’être trop porté sur le côté artistique et de ne pas suffisamment être efficace, de ne pas prendre en compte l’aspect économique, les délais et coûts de production, etc… D’être un artiste plutôt qu’un businessman en somme.
En effet, Hideo Kojima touchait, de son propre choix, un salaire fixe plutôt qu’un intéressement sur les ventes de ses jeux. Grâce à cela, il n’était pas influencé dans son intégrité artistique et pouvait laisser libre cours à sa vision du jeu parfait. Un choix honorable, au minimum. Seulement, cela ne l’encourageait pas à sortir rapidement ses jeux afin de faire un retour sur investissement et il semblerait que MGSV ait été la goutte d’eau qui a fait grogner Konami.
Je vous propose de lire les propos de Muranaka recueillis par The Codec pour leur podcast.
La raison principale de sa destitution, en tout cas [de l’avis de Rika Muranaka], est que Kojima a un salaire et ne touche rien sur les ventes du jeu. Il est payé un certain montant dans tous les cas et il dépensait tellement d’argent et retardait le projet en ajoutant tous ces éléments, faisant en sorte que le jeu soit le plus important et le meilleur qui soit. Konami, de son côté, était mécontent de cela parce que [retarder le jeu] n’a pas de conséquences pour lui. Il dépensait le budget sur telle ou telle chose, améliorait le Fox Engine puis retardait à nouveau la sortie parce que le moteur n’était pas prêt. Konami n’était pas satisfait de ça puisqu’il touche son salaire et adopte une approche “japonaise” traditionnelle en ne prenant pas de pourcentage sur les ventes. Donc en faisant ça, il est payé un peu plus que ce que toucherait un créateur de jeux mais il ne touche aucun bonus si le jeu se vend bien…
A ses yeux, Kojima est un créateur fabuleux, peut-être même le meilleur de sa génération, mais il n’a pas le sens des affaires que Konami voudrait qu’il ait. Là où, par exemple, [un créateur lambda] ferait des économies en diminuant la résolution de la végétation, il veut s’assurer que tout soit aussi beau et peaufiné que possible. [Muranaka] a mentionné qu’elle a été payée pour écrire 30 à 40 chansons qui n’ont au final pas été utilisées. Il lui demandait d’écrire une chanson, puis une autre, et encore une autre… Parce qu’il se satisfait de ce qu’il aime et qu’il a une bonne intuition pour savoir ce que les gens veulent voir et ce qu’ils veulent entendre…
Elle a travaillé directement avec Kojima au niveau musical auparavant, donc elle a vraiment un certain aperçu des choses. Elle croit personnellement que la musique a souffert de son absence dans MGSV, parce qu’ils n’avaient pas les moyens de l’engager. Donc plutôt que de la payer pour qu’elle aille recruter tous ces gens pour la musique, ils ont choisi de la retirer de l’équation et d’aller voir ces gens directement.
Vous pouvez retrouver cette déclaration rapportée à partir d’1:45:00 dans la vidéo ci-dessous.
Rappelons toutefois qu’il ne s’agit que des propos de Muranaka, qui, encore une fois, n’a pas travaillé pour Kojima Productions ou Konami sur le projet MGSV. Il est vrai qu’aux vues de sa connaissance du studio du célèbre artiste et de sa personnalité, on peut tout de même imaginer qu’elle a au minimum une vague idée des tenants et aboutissants de cette histoire. De plus, cela semble en concordance avec ce qui nous a été donné d’observer jusqu’ici.
Nous attendons avec impatience la fin officielle du contrat de Kojima avec Konami en espérant qu’il puisse trouver ou fonder une structure à la hauteur de ses ambitions artistiques. Des créateurs mettant au-dessus de tout leur vision d’un jeu et le respect de son intégrité en se battant contre les “contraintes” économiques déclarées au nom de l’impitoyable loi du profit sont une espèce plus menacée que jamais.