Activision dépose un brevet pour vous manipuler dans l’achat d’objets en jeu

Quand on vous dit qu’il y a des entreprises de jeu vidéo radicalement malsaines et qui vous prennent avant tout pour des vaches à lait, nous pesons nos mots. Activision en constitue un bel exemple et le brevet qui vient d’être accepté par le U.S. Patent and Trademark Office (Bureau américain des Brevets et Marques commerciales) laisse entrevoir l’avenir du média vidéoludique, et c’est vilain.

Penche-toi et tousse

Les microtransactions représentent une véritable manne financière (comment croyez-vous que des jeux free-to-play soient possibles ?), en particulier pour les jeux grand public qui jouissent d’une notoriété sans failles. Activision Blizzard fait partie de ces fortunés de l’achat en jeu, avec 3,6 milliards de dollars engrangés sur l’année 2016 (une hausse de deux milliards par rapport à 2015). Et quand on a trouvé la corne d’abondance, on ne la lâche pas si facilement. C’est ainsi qu’en 2015, Activision dépose un brevet permettant d’utiliser les données en jeu des joueurs pour les manipuler afin de les conduire à passer à la caisse encore une fois (l’achat du jeu en lui-même ne suffisant visiblement pas), brevet qui vient d’être validé.

Le procédé des microtransactions dans un jeu payé plein pot a déjà de quoi susciter des haut-le-cœur, mais il est ici véritablement question – je tiens à la souligner encore une fois car le terme est important – de manipulation. Le but de la technologie développée par, Activision l’assure via Glixel, “une équipe R&D indépendante de nos studios de jeux”, est de “cibler certains joueurs pour les encourager à réaliser des achats en jeu basés sur leurs intérêts“. Le système de matchmaking permettant de prédire les comportements des joueurs, après tout, pourquoi s’en priver ?

Mais Activision va plus loin est se propose même de faire de la microtransaction un élément de matchmaking à part entière : “le système peut inclure un moteur de microtransaction qui organise les matchs […] en groupant un joueur expérimenté avec un débutant pour encourager ce dernier à réaliser des achats en jeu des objets possédés/utilisés par le joueur expérimenté.” La réciproque est valable puisque le système peut grouper un joueur expérimenté avec un débutant si les objets qu’utilise le premier sont en promo et que le second ne les possède pas. Tant qu’à faire…

Activision, bientôt renommée en “Evil Corp” ?

Le fameux système désormais breveté semble parer à toutes les situations puisqu’il va même jusqu’à analyser les données de jeu personnelles des joueurs afin de leur forcer la main – vous m’excuserez mais là, on ne peut plus simplement parler d'”encouragement” -, en effet il est question par exemple de grouper un débutant s’adonnant particulièrement au sniping avec un “sniper hautement compétent dans le jeu. De cette façon, le joueur débutant pourrait être encouragé à réaliser des achats en jeu tels qu’un fusil ou un autre objet utilisé par le joueur expérimenté.”

Et bien entendu, si vous êtes content de votre achat, c’est mieux, aussi le système s’assurera de vous placer dans des parties qui tireront avantage de votre précieuse acquisition, ce qui aura bien entendu pour effet “d’encourager les achats futurs”, puisque votre “niveau de plaisir” sera boosté. Un petit exemple ? Allez, un petit exemple : “si le joueur a acheté une arme en particulier, le moteur de microtransaction pourrait intégrer le joueur à une session de jeu dans laquelle l’équipement en question est hautement efficace, donnant l’impression au joueur que cette arme constitue un bon achat. Cela pourrait encourager le joueur à réaliser de futurs achats afin d’atteindre des résultats de gameplay similaires.” J’attends que vous ayez fini de vomir puis on boucle.

Le problème est bien que la démarche ait été entreprise

Activision aura beau crier sur tous les toits : “c’est pas nous c’est eux, pis y sont indépendants d’abord” et “ça n’a pas été implémenté en jeu”, ce que Bungie confirme dans le cas de Destiny 2, il n’en demeure pas moins que la démarche a été entreprise, et par Activision Blizzard elle-même. Pourquoi un investissement puis un dépôt de brevet si ce n’est pour utiliser ce fameux système ? Il est tout de même rare d’entendre parler de technologies payées et développées juste pour le fun, vous ne trouvez pas ? “Oh bah j’avais envie, c’est tout. C’était dimanche, il pleuvait je me faisais chier. Mais du coup c’était pour rire, je m’en servirai pas” semble vouloir nous faire penser Activision.

Or la technologie existe désormais bel et bien, et d’ici à ce qu’elle soit effectivement implémentée en jeu, il n’y a qu’un pas que la firme va s’empresser de franchir au plus vite, dans l’indifférence d’un public qui ne remarquera rien ou ne voudra rien remarquer, tant qu’on leur donne leur sainte part de Call of Duty 278 : Pognon Warfare. Ne soyez pas ce public. Informez-vous et résistez à ce genre de pratiques si vous voulez que le jeu vidéo ne s’embourbe pas dans un avenir des plus discutables, affligé de microtransactions et de titres en kit.

Le “système et méthode pour diriger les microtransactions dans les jeux vidéo multijoueurs” n’est pas encore en vigueur. Mais ne vous en faites pas, viendra le jour où on voudra vous l’imposer.