Test Mafia III – Péter des genoux, c’est plus ce que c’était

Test Mafia 3

Le très attendu Mafia 3 a enfin débarqué sur nos machines. Largement raillé pour ses bugs et son manque initial d’options sur PC, le titre de Hangar 13 n’est pourtant pas dénué de qualités. Petit voyage dans le temps, en 1968, à New Bordeaux – où régnera plus tard New Alain Juppé (lol ? même pas un peu ?) – dans la peau d’un Noir, et ça, c’est déjà un excellent point. C’est parti pour le test Mafia 3.

Retour à New Bordeaux après un crochet par le Vietnam

Vous incarnez Lincoln Clay, dont on dit qu’en tant que Noir américain, il n’avait pas des masses d’options pour s’en sortir. Le peu de choix qui s’offraient à lui incluait le fait de devenir une petite frappe pour la mafia locale et il s’est donc acoquiné avec Sammy, qui est à la tête de certaines « affaires » et qui l’a recueilli lorsque l’orphelinat dont le petit bonhomme était pensionnaire a fermé ses portes. Lincoln s’est ensuite engagé dans l’armée, au Vietnam, où il a fait la connaissance de John Donovan, de la CIA. De retour au pays, le jeune homme a rapidement rendu visite à Sammy, mais après un casse censé éponger les dettes de ce dernier, les choses tournent mal et il est trahi par Sal Marcano, le parrain de la mafia. Coup de bol, Lincoln a les os solides et son crâne dévie la balle censée le tuer. De là, il entreprend de se venger et de détruire Marcano, en commençant par déboîter comme il se doit ses lieutenants et ses caporaux à travers New Bordeaux.

L’intrigue est simple, mais plutôt bien ficelée. Lincoln rappelle son vieux pote Donovan de la CIA, qui décide de lui donner un coup de main pour détruire la pègre locale. Bien entendu, Clay a besoin d’alliés, aussi s’attire-t-il les faveurs de personnes qui deviendront ses trois sous-fifres. Étant donné que vous êtes Noir et que l’action se déroule en 1968, vous allez bien sûr faire face à des attitudes choquantes qui pourtant ne l’étaient pas tant à l’époque. L’idée de Hangar 13 ici est particulièrement judicieuse puisqu’elle a une réelle portée : elle vous fait ressentir un tout petit mini fragment de l’injustice et de l’horreur de cette situation, et vous prenez déjà un malin plaisir à casser les dents de ceux qui lui donnent voix.

Le story telling est pour sa part magistral et brillamment exécuté. Il s’agit sans conteste du meilleur élément de Mafia III. Les événements sont racontés de façon rétrospective par divers protagonistes – merci Gordon Greene pour le Père James, ça vaut le coup de citer les mec qui font des supers prestations – sur une bande originale absolument maîtrisée, j’y reviendrai plus loin.

Plus c’est long, plus c’est pas forcément bon

Mafia III se trouve clairement être ce qu’on appelle une GTA-like : vue à la troisième personne, dézinguage à tout-va, vol de voitures, écrasement de piétons… La carte est immense, il faut bien accorder cela à Hangar 13, et elle est plutôt remplie… de missions au final très similaires. C’est un peu le problème du genre, mais on aurait justement aimé que les développeurs prennent un peu de risques : tuer telle cible, faire sauter tel endroit, filer un coursier, etc. Tout cela devient vite un brin redondant, d’autant que si on désactive la visée assistée – je suis un putain d’hardcore gamer, tavu – à la manette, le joystick est leeeeent, justement au moment de viser, ce qui est au final assez brise-bonbons. En bref, le contenu est là, mais pas forcément assez varié, et ce n’est pas l’attribution des différents fiefs à tel ou tel lieutenant pour gagner des bonus ainsi que les missions secondaires à réaliser pour leur compte qui vont changer les choses.

À ce sujet, le jeu adopte une progression à la Far Cry : récupérez New Bordeaux quartier par quartier, sauf qu’ici vous choisissez qui de votre petite équipe va prendre la relève une fois que vous aurez vidé vos chargeurs sur les ennemis. Plus vous accordez de pouvoir à un lieutenant, plus il vous accorde des bonus et vous procure des revenus. On retrouve ici un premier petit soucis de cohérence – car il y en a plusieurs – Burke, l’un de vos précieux alliés (un irlandais alcoolique, question cliché on est pas mal là non plus), quand vous lui donnez suffisamment d’importance, vous donne la capacité de crocheter les serrures des voitures que vous volez plutôt que de systématiquement péter la vitre. Ça peut paraître rien, mais ça évite qu’un témoin appelle la police. Si vous décidez d’attribuer un fief à un autre de vos lieutenants, et que cela grignote le terrain de Burke, vous perdrez potentiellement cette capacité. Question : comment peut-on, le matin, savoir crocheter une serrure, et l’après-midi ne plus en être capable sous prétexte qu’un irlandais alcoolique est mécontent ? J’appelle Cash Investigations sur-le-champ.

En parlant de fracturer des voitures, tant que vous cassez des vitres, un témoin peut se mettre en tête de courir à une cabine téléphonique pour appeler les forces de l’ordre. Problème : c’est à chaque instant. Dès que vous volez une tire, vous pouvez être sûr qu’il va vous falloir redescendre pour mettre une dérouillée au bon citoyen. Cela m’amène à une deuxième incohérence : un type voit quelqu’un tenter de rentrer par effraction dans une auto, le voleur remarque que le brave monsieur va appeler les flics et se glisse dans son dos pour lui passer un bras autour de la gorge et le faire tomber dans les vapes. Devant vingt témoins. Qui eux ont l’air de considérer que cela constitue une action tout à fait normal et quotidienne.

Des expressions faciales dignes de Kristen Stewart

Si les acteurs sont globalement bons au niveau de leur jeu, les animations des expressions faciales ne leur rendent clairement pas justice. Globalement, il font très « plastique » et manquent de détail. Lors d’une scène de torture, j’ai carrément pouffé de rire face à la tête que faisait le type en train de se faire dessouder. Dans sa voix, la peur était largement perceptible ; sur son visage, un lifting excessif semblait avoir été réalisé par un chirurgien esthétique sous LSD. Ce qui ressort de cela est la sensation que Mafia III aurait pu être tellement mieux, il lui aurait juste fallu plus de temps pour que les développeurs aient le temps de peaufiner le titre jusqu’au bout. Car ce problème visuel s’étend aux textures : les effets de lumière sont plutôt réussis en dehors de quelques rayons de soleils bien trop aveuglants pour paraître naturels, mais la ville autour de nous manque parfois un peu de détails, de profondeur. Cette impression est bien trop présente, et certaines surfaces font carrément peur à voir.

Vraiment dommage quand on voit que la direction artistique laissait beaucoup d’espoir :

Les voitures sont quant à elles plutôt bien conçues et nous plongent bien dans la fin des années 60. Leur maniabilité est plutôt désagréable au premier abord mais des compétences de vos lieutenants vous permettront d’améliorer ce point. Au passage, très bonne idée d’avoir placé un rétroviseur en haut de l’écran pour ne pas être obligé d’être privé de la vue avant, et aussi d’avoir intégrer les indications de direction directement sur la route.

Puisqu’on parle de balade automobile, je me permets de pousser un coup de gueule contre les pièces électroniques à aller récupérer un peu partout, indispensables pour fracturer les postes qui vous permettront d’obtenir des informations sur les différentes zones du jeu : emplacement des collectibles, des ennemis, etc. Étant donné qu’il vous faut trois fusibles à chaque fois, il vous systématiquement vous arrêter sur le chemin pour aller les récupérer à pied… extrêmement rébarbatif à la longue, d’autant que le système de crochetage est pire qu’anecdotique : il faut trouver la position verte du joystick puis appuyer sur « A » au moment où une petite barre arrive au bon endroit… autant proposer un crochetage automatique.

Des ennemis qui vous voudraient presque du bien

Une fois que vous avez fini votre trajet, après moult détours, vous arrivez enfin au lieu du massacre – c’est en tout cas souvent le cas – où vous allez dézinguer tout ennemi qui vous passe sous la main. Vous pouvez alors faire usage de votre radio pour appeler un trafiquant d’armes, un coursier qui va planquer votre argent pour ne pas le perdre en cas de décès… de ce côté-là, la cohérence est très appréciable. Bon, hormis le fait que le vendeur de joujous létaux n’a aucun problème à s’arrêter en plein milieu de la rue et à ouvrir sa fourgonnette bourrée de flingues, bien sûr.

Le combat commencé, vous allez rapidement vous rendre compte de quelque chose : la mafia de New Bordeaux recrute l’intégralité de ses hommes de main auprès de l’amicale des suicidaires. Vos adversaires n’ont absolument rien dans le cibouleau, d’une part, et semblent avoir véritablement envie que vous mettiez un terme à leur existence, d’autre part. Pour la première caractéristique, cela s’étend aux civils au passage : volez du pognon sous le nez d’une secrétaire, sur son bureau, elle s’en contrefout.

Pour en revenir aux ennemis, ils n’hésiteront pas à se planter à découvert pour vous tirer dessus – je précise que j’ai joué dans le mode de jeu le plus difficile – voire même à vous foncer dessus. Pour un peu, ils crieraient presque : « Lincoln, tu veux bien me coller une douille ? » Oh, et bien entendu, dès que vous adoptez le mode furtif, c’est un peu le joker : vous pouvez avancer tranquillement sur un ennemi qui vous regarde, tant qu’il n’est pas trop loin – il mettra une plombe à se rendre compte qu’une armoire à glace vient lui éclater la tête. Par contre, les exécutions sont très bien réalisées, on sent que Hangar 13 a beaucoup travaillé là-dessus et elles sont à la fois très violentes et habilement exécutées, vraiment impressionnantes. On regrette toutefois d’y avoir recours systématiquement ; presque toutes les missions sont réalisables à couvert et ne vous obligent pas à taper dans le tas, cela aurait pourtant instauré une bonne dynamique.

Les années dorées de la musique américaine

Je ne peux qu’être admiratif de la bande originale de Mafia III, à la fois des compositions originales qui collent parfaitement à l’époque et à l’ambiance, mais aussi des chansons sélectionnées pour accompagner le joueur dans son périple. On retrouve des grands noms tels que Roy Orbison, Aretha Franklin, Jimi Hendrix… c’est un véritable plaisir d’allumer le jeu sur le génialissime « All along the Watchtower » et de conduire dans les rues de New Bordeaux avec The Animals et Cream. Aucun faux pas à ce niveau-là.

Mafia III aurait pu être le parrain

Mais il ne l’est pas, et c’est très dommage quand on voit que pourtant tout était là à l’origine pour en faire un pilier du jeu vidéo. Le titre est à mon sens sorti trop tôt et aurait largement bénéficié d’une année de développement supplémentaire. L’intelligence artificielle minable – quand une grenade tombe aux pieds des ennemis, ils s’en étonnent mais ne détalent pas tout de suite, sûrement histoire de vérifier que ça va exploser – le caractère redondant du jeu, les multiples incohérences, les textures plastiques et les visages qui le sont tout autant… tout cela a bien du mal à être contrebalancé par une bande originale du tonnerre et un story telling absolument génial, parmi les meilleurs dont j’ai pu faire l’expérience. Mafia III vaut le coup d’être vécu, mais certainement pas à plein tarif. Il en reste un certain goût de reviens-y mêlé à une déception du manque d’aboutissement du titre.

►Points forts

• L’un des meilleurs story tellings de ces dernières années
• Un personnage Noir charismatique dans l’Amérique raciste de la fin des années 60
• Bande son absolument géniale
• Des effets de lumière maîtrisés

►Points faibles

• IA à la ramasse
• Répétitif
• Pas de prise de risque
• Textures plastiques, parfois lamentables
• Manque de finition globale
• Visages inexpressifs au possible. On fait mieux en 2016.

Lincoln Clay mérite mieux

Mafia III est sorti sur PC, Mac, Xbox One et PS4 le 7 octobre.

War Legend a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.

Notre test est basé sur la version PC.

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