Sucker Punch quitte Tsushima pour le mont Yōtei. Atsu prend la relève de Jin Sakai en 1603. La voie du fantôme n’a jamais été aussi sanglante.
Le Bon, la Brute et le Rônin
On avait laissé Jin Sakai gérer ses problèmes de famille et d’invasion mongole dans une ambiance très « cinéma de samouraï des années 50 ». Avec Ghost of Yōtei, Sucker Punch fait un bond dans le temps de plus de 300 ans pour nous emmener en 1603, sur les terres sauvages d’Ezo, l’actuelle Hokkaido. Oubliez les codes d’honneur rigides et les tontons moralisateurs ; ici, on est dans une ambiance qui flirte davantage avec le western spaghetti sauce soja. Atsu, notre nouvelle protagoniste, n’est pas là pour sauver son clan, mais pour suivre sa propre vengeance au pied du mont Yōtei. Ce changement de ton est rafraîchissant et permet aux scénaristes de s’affranchir du poids de l’héritage Sakai pour proposer une écriture plus incisive, plus cynique aussi. Atsu est une traqueuse, une solitaire, et son rapport au monde est beaucoup plus rugueux que celui de notre bon vieux Jin.
L’histoire profite de ce cadre géographique et temporel pour nous plonger dans une « frontière » sans foi ni loi. Ezo n’est pas encore vraiment le Japon, c’est un territoire hostile où la nature dicte sa loi autant que les lames. Le scénario tisse habilement sa toile autour de la légende du « Fantôme », qui n’est plus ici un surnom qu’on se donne pour effrayer trois mongoles dans un camp, mais une véritable entité mythologique crainte par les locaux. On sent que Naughty Dog n’est pas le seul studio de Sony à savoir raconter des histoires : la narration environnementale a fait un bond en avant. On ne se contente plus de suivre des marqueurs ; on traque, on observe, on écoute les rumeurs dans les auberges crasseuses. C’est immersif, parfois touchant, et ça évite l’écueil de la redite par rapport au premier opus.
Cependant, tout n’est pas rose au pays du Soleil-Levant. Si l’intrigue principale tient en haleine avec des rebondissements bien sentis et une galerie de « gueules » qu’on croirait sorties d’un film de Sergio Leone, certaines quêtes annexes peinent encore à décoller. On retrouve par moments ce syndrome du « coursier FedEx » qui m’avait tant agacé sur Tsushima. Heureusement, ces moments sont plus rares, dilués dans une exploration organique qui force le respect. Mais quand on doit traverser trois montagnes juste pour aller chercher des herbes médicinales pour un PNJ qui a le charisme d’une huître, on souffle un peu du nez. C’est dommage, car quand le jeu se concentre sur son cœur narratif et la relation complexe entre Atsu et la faune locale, il touche au sublime.
La diplomatie de la pétoire
Côté baston, Sucker Punch a revu sa copie et pas qu’un peu. Si on retrouve les bases du combat au katana qui avaient fait le sel de l’épisode précédent, Atsu apporte dans sa besace une nouveauté qui change tout : les armes à feu. On est en 1603, la poudre commence à parler, et cela se ressent manette en main. L’intégration du mousquet n’est pas anecdotique, elle transforme le rythme des affrontements. Ce n’est pas un TPS, rassurez-vous, le rechargement est lent, lourd, et vous laisse vulnérable. Du coup, chaque tir doit être calculé. Tirer une balle en pleine tête d’un rônin avant de foncer dans la mêlée pour finir le travail au wakizashi procure un sentiment de puissance assez jouissif. C’est brutal, c’est sale, et ça claque visuellement avec des effets de fumée qui persistent à l’écran.
Le corps-à-corps a gagné en fluidité et en nervosité. Atsu manie le double sabre (katana et wakizashi) avec une dextérité qui ferait passer Jin Sakai pour un charretier. Les postures sont toujours de la partie pour briser les gardes, mais le système a été assoupli pour permettre des transitions plus naturelles. On danse littéralement entre les adversaires. J’avais peur que le jeu devienne trop bourrin, mais la difficulté est au rendez-vous (surtout en mode Letal). Les ennemis ne font pas la queue leu-leu pour se faire découper ; ils attaquent en groupe, tentent de vous contourner, et les chiens de garde sont de véritables plaies qu’il faudra gérer en priorité. La sensation d’impact est décuplée par la DualSense qui retransmet chaque choc, chaque parade parfaite, avec une précision chirurgicale.
Là où le bât blesse encore un peu, c’est sur l’intelligence artificielle lors des phases d’infiltration. C’était le gros point noir de Tsushima, et force est de constater que les gardes ont toujours besoin d’une bonne paire de lunettes. On peut parfois massacrer un type à deux mètres de son pote sans que ce dernier ne lève un sourcil, juste parce qu’on était accroupi dans les hautes herbes. C’est frustrant de voir un jeu aussi soigné techniquement proposer des mécaniques de détection qui datent de la PS3. Heureusement, le level design plus vertical offre davantage d’options d’approche, rendant ces phases moins linéaires, mais on aurait aimé que les ennemis soient un peu plus « vivants » et moins scriptés dans leurs rondes.
L’appel de la forêt (et du loup)
La grande nouveauté qui a fait couler beaucoup d’encre, c’est la présence de ce compagnon loup. Loin d’être un simple gadget pour faire joli sur les jaquettes, l’animal est au cœur du gameplay et de l’exploration. Contrairement à un chien dans un Call of Duty, votre compagnon à quatre pattes dispose d’une véritable autonomie. En combat, il harcèle les ennemis, crée des ouvertures et peut même achever les blessés. Il y a une vraie synergie à construire : on apprend à diriger ses attaques tout en gérant sa propre barre de vie, car oui, votre loup peut être blessé et devra être soigné. Cela ajoute une couche tactique bienvenue et renforce ce sentiment de « duo contre le reste du monde » qui porte le récit.
En dehors des combats, le loup est votre meilleur atout pour l’exploration. Le vent directeur est toujours là (et toujours aussi classe), mais les sens de votre animal permettent de repérer des pistes, des ressources ou des dangers que vous auriez manqués. C’est une manière intelligente de nettoyer l’interface (le HUD) pour laisser place à l’image. On se surprend à suivre son compagnon à travers les tempêtes de neige, se fiant à son instinct plutôt qu’à une mini-carte surchargée. Sucker Punch a réussi le pari de rendre cette relation organique, sans qu’elle ne devienne une contrainte. On s’attache à la bestiole, et je vous garantis que vous allez paniquer la première fois qu’il se prend un coup de lance.
L’exploration d’Ezo est d’ailleurs un pur régal. La carte est vaste, variée, et surtout beaucoup plus sauvage que Tsushima. La verticalité du Mont Yōtei offre des panoramas à couper le souffle et des zones de jeu qui demandent un peu plus de jugeote pour être traversées. Le grappin est de retour, plus polyvalent, permettant d’escalader des parois glacées ou de se balancer au-dessus de gouffres béants. On sent que les développeurs ont voulu casser la monotonie des plaines fleuries pour proposer un terrain de jeu plus accidenté, plus dangereux aussi. La faune est omniprésente et hostile : ours, meutes de loups sauvages… La nature est un ennemi à part entière, et survivre à une tempête de neige en cherchant un abri de fortune fait partie intégrante de l’expérience.
Une claque technique, une vraie
Parlons peu, parlons bien : Ghost of Yōtei est une vitrine technologique pour la PS5. On n’est pas sur un simple relooking, mais sur une véritable démonstration de force. La gestion de la météo dynamique est bluffante. Voir le ciel s’assombrir, le vent se lever et la neige commencer à recouvrir progressivement le sol et les vêtements d’Atsu en temps réel, c’est juste dingue. La physique de la neige, en particulier, est à tomber par terre. Atsu s’y enfonce péniblement, laisse des traces persistantes qui peuvent trahir sa position… C’est beau à en pleurer. Le tout tourne en 60 FPS constants en mode performance, et je n’ai pas noté le moindre ralentissement, même quand les effets de particules saturent l’écran lors des duels au soleil couchant.
La direction artistique, fidèle à la réputation du studio, est une succession de tableaux vivants. Chaque biome a une identité visuelle forte, des forêts de bouleaux sous la lune aux plaines de toundra balayées par les vents. Le mode Kurosawa (noir et blanc avec grain pellicule) est toujours là pour les puristes, mais honnêtement, se priver de cette palette de couleurs serait un crime. Les jeux de lumière, notamment à l’aube et au crépuscule, subliment les textures et donnent un cachet unique à chaque lieu visité. On passe son temps en mode photo, c’est maladif. Mention spéciale aux animations faciales qui ont fait un bond en avant, rendant les cinématiques beaucoup plus poignantes et moins « robotiques » que par le passé.
Enfin, l’ambiance sonore mérite son propre paragraphe. Le travail sur le sound design est colossal. Le sifflement du vent, le crissement de la neige sous les bottes, le claquement sec des armes à feu… Tout participe à l’immersion. La bande-son, qui mêle instruments traditionnels (le shamisen est à l’honneur) et nappes plus modernes, accompagne l’action avec justesse. Elle sait se faire discrète lors de l’exploration pour exploser lors des confrontations. Et puis, il y a ce silence, par moments, juste troublé par la respiration d’Atsu et les grognements de son loup. C’est une masterclass d’ambiance qui vous happe et ne vous lâche plus, transformant votre salon en une petite enclave d’Hokkaido le temps d’une session de jeu.
Le verdict du katana
Ghost of Yōtei s’impose comme une suite magistrale qui a l’intelligence de ne pas simplement copier son aîné, mais de le faire mûrir. En changeant d’époque, de lieu et de ton, Sucker Punch nous offre une aventure plus viscérale, plus sauvage, portée par une direction artistique à couper le souffle et un gameplay qui a su intégrer la poudre sans renier le sabre. Malgré quelques scories inhérentes au monde ouvert et une IA parfois aux fraises, le voyage d’Atsu est une épopée sanglante et poétique qui marquera durablement la ludothèque de la PS5. Si vous avez aimé vous perdre dans les vents de Tsushima, les tempêtes du mont Yōtei vont vous emporter corps et âme.
Ce qu’on a aimé :
- Une direction artistique à tomber par terre, littéralement
- Le duo Atsu / Loup qui fonctionne à merveille en combat comme en exploration
- L’apport du mousquet qui change la dynamique des affrontements
- Une fluidité exemplaire en 60 FPS, pas un pet de travers
- L’ambiance « Western Spaghetti » au Japon, un régal d’écriture
- La physique de la neige et la météo dynamique bluffante
- Le sound design et la bande-son au shamisen
Ce qu’on n’a pas aimé :
- L’IA en infiltration est toujours aussi myope et sourde
- Quelques quêtes annexes « FedEx » un peu paresseuses
- La caméra qui panique parfois dans les intérieurs exigus
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Ghost of Yōtei est disponible sur PS5.











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