Le poids de l’héritage est une chose terrible. Avec son premier Endless Legend, Amplitude Studios avait placé la barre si haut que l’annonce d’une suite soulevait autant d’espoirs que de craintes. Avec ce second opus, Amplitude ne cherche pas la révolution, mais une évolution profonde saupoudrée de très chouettes idées. Et c’est sans doute là que réside sa plus grande force.
Un monde plus vivant que nature
Dès les premiers tours, la filiation avec le premier opus saute aux yeux. On retrouve avec un plaisir intact ce monde hexagonal d’une beauté sidérante, cette direction artistique unique qui mêle science-fantasy et poésie visuelle. Pourtant, rapidement, les changements se font sentir. Auriga semble plus dense, plus organique. Le terrain lui-même est devenu un acteur plus important de la stratégie. L’ajout de nouvelles anomalies, de reliefs plus marqués comme des falaises infranchissables ou des canyons profonds, force à repenser l’exploration et le positionnement des armées. Le monde n’est plus un simple plateau de jeu, mais un adversaire en soi, dont il faut apprendre à déjouer les pièges et à exploiter les avantages.
Cette volonté de rendre le monde plus dynamique se traduit par un système de saisons et de météo largement approfondi. Si les hivers glaciaux étaient déjà une mécanique centrale, ils sont désormais accompagnés d’événements plus variés et localisés. Une tempête de poussière peut réduire la vision et les déplacements dans un désert, tandis que des pluies diluviennes peuvent transformer des plaines en marécages boueux, pénalisant lourdement les unités lourdes. Ces aléas climatiques, couplés à un cycle jour/nuit qui influe sur certaines factions et unités, rendent chaque partie moins prévisible. Il ne s’agit plus seulement de se préparer à l’hiver, mais de s’adapter en permanence à un écosystème capricieux qui peut ruiner les plans les mieux établis.
Les factions mineures, élément clé de l’immersion, ont également bénéficié d’un soin particulier. Plus nombreuses, elles disposent désormais de quêtes plus complexes et de traits uniques qui les rendent bien plus désirables que de simples pourvoyeurs de bonus. Certaines peuvent même développer une véritable relation avec les empires, allant au-delà de la simple assimilation pour devenir des protectorats autonomes ou des alliés commerciaux privilégiés. Cette complexification des interactions avec les peuples natifs d’Auriga enrichit considérablement la dimension narrative et diplomatique du jeu, donnant le sentiment d’évoluer dans un monde réellement peuplé et non pas dans une simple arène.
Toujours une référence
Amplitude a manifestement écouté les retours de sa communauté. Chaque pilier du gameplay 4X (eXploration, eXpansion, eXploitation, eXtermination) a été revu, non pour être bouleversé, mais pour être poli, approfondi, rendu plus satisfaisant. La gestion des cités, par exemple, conserve son système d’arrondissements mais y ajoute une couche de spécialisation plus poussée. Il est désormais possible de « consacrer » un arrondissement à une production spécifique (science, industrie, nourriture, influence), ce qui le rend plus performant dans ce domaine mais aussi plus vulnérable aux actions d’espionnage ciblées. Cela crée un dilemme intéressant entre l’optimisation à tout crin et la nécessité de protéger ses centres névralgiques.
Le système de combat tactique, bien que conservant ses bases, gagne en clarté et en options. L’interface a été repensée pour être plus lisible, et l’impact du terrain est bien plus prononcé. Les bonus de hauteur, de couvert forestier ou les pénalités liées aux cours d’eau sont plus significatifs, rendant le placement pré-bataille encore plus crucial. On note également l’arrivée de capacités de soutien et de nouvelles compétences pour les héros, qui peuvent désormais influencer le champ de bataille de manière plus indirecte, par exemple en posant des pièges ou en créant des zones de buff/debuff. Si le cœur du système reste le même, ces ajouts offrent une profondeur tactique accrue et récompensent davantage la planification et la synergie entre les unités.
Cependant, c’est peut-être la diplomatie et l’espionnage qui connaissent l’évolution la plus notable. L’arbre diplomatique offre une gamme d’interactions bien plus large, permettant de négocier des traités complexes comme des droits de passage conditionnels ou des pactes de non-agression ciblés contre une faction tierce. L’IA semble également plus réactive et moins binaire dans ses relations. L’espionnage, quant à lui, devient un véritable outil stratégique. Les héros assignés à ces tâches peuvent désormais accomplir un large éventail de missions, allant du simple vol de technologies à la provocation de rébellions dans les villes ennemies ou au sabotage de productions clés. Un empire bien implanté peut être mis à genoux de l’intérieur, sans qu’une seule bataille n’ait été livrée, offrant une voie vers la victoire pour les joueurs les plus calculateurs.
Artistiquement impeccable
Sur le plan technique et artistique, Endless Legend 2 est une pure merveille. Le moteur graphique a été modernisé, offrant des textures plus fines, des effets de lumière plus subtils et des animations plus fluides. Mais au-delà de la performance technique, c’est la direction artistique qui continue de laisser sans voix. Le style visuel est encore plus affirmé, avec des designs d’unités et de factions qui transpirent la classe et l’originalité. Chaque recoin de la carte est un potentiel tableau, des forêts d’automne aux teintes orangées aux toundras d’un blanc immaculé. L’interface utilisateur, tout en affichant une quantité d’informations colossale, reste un modèle de clarté et d’élégance, s’intégrant parfaitement à l’esthétique générale sans jamais jurer.
Cette claque visuelle est portée par un écrin sonore qui frise la perfection. FlybyNo rempile à la composition et livre une partition magistrale, qui parvient à être à la fois familière et nouvelle. Les thèmes musicaux évoluent avec les ères et les saisons, passant de mélodies douces et contemplatives en été à des orchestrations plus sombres et oppressantes en hiver. La musique n’accompagne pas seulement l’action, elle est l’action, soulignant chaque découverte, chaque tension diplomatique, chaque déclaration de guerre avec une justesse incroyable. C’est l’âme d’Auriga qui nous est contée en notes, une âme toujours aussi belle et mélancolique.
Le sound design n’est pas en reste, participant activement à l’immersion. Le bruit du vent dans les arbres, le cliquetis d’une armée en marche, le son caractéristique de chaque bâtiment en construction… chaque élément sonore a été peaufiné pour rendre le monde tangible. Cette attention portée aux détails est la marque des grands jeux. Elle transforme une simple carte stratégique en un monde vivant, crédible, dans lequel on se plonge avec une délectation rare. Même en accès anticipé, l’enrobage audiovisuel d’Endless Legend 2 est déjà d’un niveau d’excellence que beaucoup de jeux sortis ne peuvent que lui envier.
La nouvelle référence du 4X (et c’est que l’EA)
Endless Legend 2 dégage déjà une aura de maîtrise et de confiance impressionnante. Loin de la révolution facile, Amplitude a choisi la voie plus difficile de l’approfondissement, de la densification. Chaque système de jeu a été disséqué, analysé et enrichi pour offrir plus de choix, plus de profondeur et plus de conséquences. Le résultat est un 4X qui, tout en étant immédiatement familier pour les vétérans, semble plus riche, plus cohérent et plus dynamique. Auriga est plus belle, plus dangereuse et plus envoûtante que jamais. Si le studio maintient ce cap, peaufine l’équilibrage et enrichit encore le contenu d’ici la sortie finale, on ne tient pas seulement la suite d’un grand jeu. On tient le futur roi du genre.
Ce qu’on a aimé :
- Direction artistique et bande-son toujours aussi exceptionnelles
- Approfondissement réussi de toutes les mécaniques de jeu (cités, combat, diplomatie).
- Un monde plus dynamique et interactif grâce à la météo et aux reliefs améliorés.
- Le système d’espionnage, qui devient une véritable alternative stratégique.
- Une interface utilisateur aussi belle que fonctionnelle.
- Des fondations extrêmement solides pour un accès anticipé.
Ce qu’on n’a pas aimé :
- L’équilibrage entre les factions est encore en chantier, certaines semblant clairement avantagées.
- Quelques bugs et problèmes de performance, notamment en fin de partie.
- Le tutoriel, pour l’instant, est un peu léger pour accueillir les nouveaux joueurs.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Endless Legend 2 est disponible sur PC.





















