Avec The Outer Worlds 2, Obsidian présente de grosses ambitions dans l’espace corporatiste d’Halcyon et au-delà. Spoiler : la promesse est tenue, et bien au-delà. Le RPG satirique est de retour, plus vaste, plus profond et plus cruel que jamais.
Obsidian frappe plus fort avec son stylo
The Outer Worlds 2 ancre son succès non pas dans ses gunfights, mais dans la profondeur de ses systèmes de jeu de rôle. Là où le premier titre posait des jalons solides de choix et de conséquences, cette suite érige un véritable labyrinthe de dilemmes moraux et philosophiques. L’architecture narrative est devenue une toile tentaculaire où chaque décision, même la plus anodine, peut avoir d’importantes répercussions sur l’équilibre des factions galactiques. Ce n’est plus seulement une question de bien ou de mal, mais de choisir entre deux maux corporatistes, chacun enveloppé dans un marketing séduisant et trompeur. En bref, The Outer Worlds 2 pousse le bouchon plus loin, et c’est très bien.
Quant aux compagnons, ils ne sont plus de simples bras armés ou des boîtes à punchlines, mais des extensions de notre propre conscience morale, ou son antithèse, selon l’alignement que nous leur insufflons. Leurs quêtes personnelles sont si finement entrelacées avec la trame principale qu’elles forcent des bifurcations narratives majeures. Pousser un allié à la confrontation avec un cartel pharmaceutique, par exemple, peut entraîner la fermeture d’une ligne de production essentielle pour un autre système planétaire. On prend ainsi un véritable plaisir à creuser les quêtes associées à nos compagnons de route.
Et bien évidemment, impossible de passer outre la qualité de l’écriture satirique. Si le premier jeu s’amusait déjà du monde coroporatiste, The Outer Worlds 2 plonge dans une critique féroce et incroyablement pertinente de l’oligarchie moderne. Le ton est plus sombre, la comédie plus noire, et l’absurdité des slogans corporatistes est poussée à son paroxysme. Chaque description de produit, chaque panneau d’affichage, chaque ligne de dialogue est une charge acerbe contre le capitalisme dérégulé. Non seulement c’est drôle, mais cela nous rappelle sans mal le monde dans lequel nous vivons – avec les boutons poussés à 2000%. The Outer Worlds 2 parvient à créer de l’intérêt dans les fetch quests en en faisant des enquêtes sociologiques et morales. On accepte d’aider un patron d’usine, non pas pour l’expérience, mais pour comprendre la logique dérangée qui le pousse à utiliser des ouvriers à titre de substituts de palettes de manutention en cas de grève. L’écriture est, de très loin, la meilleure du studio à ce jour, confirmant la maestria d’Obsidian en la matière.
La parole plus forte que les balles
Aborder le gameplay de The Outer Worlds 2, c’est parler du cœur palpitant, mais parfois imparfait, de l’expérience. Le système de combat a gagné en fluidité et en nervosité par rapport à son prédécesseur. Les armes ont un meilleur kick, et le déplacement est plus réactif, évitant cette rigidité parfois archaïque que l’on pouvait reprocher au premier opus. Cependant, et c’est un point de friction majeur, le sentiment d’impact physique du tir ou du coup reste étrangement en deçà des standards des shooters modernes. On a souvent l’impression que la balle traverse l’ennemi sans la décharge cinétique attendue.
Ce défaut est heureusement largement compensé par l’omniprésence du DTT (Dilatation Temporelle Tactique) et par la richesse des compétences de combat qui lui sont associées. Le DTT déclenche un bullet time permettant d’identifier les points faibles adverses et de délivrer des coups critiques précis, ou d’appliquer des altérations d’état (brûlure, corrosion) avec une efficacité dévastatrice. Le combat est ainsi sauvé de la répétitivité par l’arsenal d’outils tactiques à disposition. Puisqu’il est également possible de se servir des compétences des compagnons. Quoi de mieux que d’étourdir un robot grâce à un allié, pour ensuite le défourailler en règle ?
En parlant de mécanique, la révision des systèmes de skills check est une réussite totale. La grande force de The Outer Worlds 2 réside dans sa capacité à faire intervenir nos statistiques partout. L’intimidation ne sert pas qu’à faire fuir des PNJ mineurs ; un niveau suffisant peut débloquer une option de dialogue permettant de sauter trois étapes d’une quête, de faire paniquer un boss en combat, ou de convaincre une faction entière de changer d’allégeance. De même, un niveau élevé en Science permet de pirater des systèmes cruciaux ou de réparer un pont cassé, ouvrant de nouvelles voies d’exploration physique. Cette ubiquité des compétences garantit que chaque investissement de point est significatif, et elle encourage surtout les parties non-combattantes. Il est tout à fait viable de terminer le jeu en évitant la majorité des affrontements armés, ce qui est la marque d’un RPG à l’ancienne, un éloge rarement mérité aujourd’hui. Le rythme est donc celui d’un RPG profond : séquences de dialogues longues et lourdes de sens, suivies de courtes et intenses périodes d’action tactique.
Une identité qu’elle est forte et belle
Obsidian est parvenu à conserver et même à magnifier l’esthétique du « Space Western rétro-futuriste » qui a fait le charme du premier opus. Chaque nouvelle planète offre son dépaysement. On quitte les teintes familières d’Halcyon pour explorer des jungles phosphorescentes dont les plantes pulsent au rythme de l’énergie locale, des cités-dômes d’une propreté clinique qui cachent une misère rampante et des déserts rouges balayés par des tempêtes de sable ionisées. Ces panoramas offrent de très bonnes occasions de s’arrêter pour admirer des images qui pourraient aisément servir de fonds d’écran. La palette de couleurs est audacieuse, presque saturée, contrastant la vétusté rouillée des avant-postes humains avec l’éclat surnaturel des écosystèmes extraterrestres. Vous l’aurez compris, la direction artistique du titre vaut le détour.
C’est au niveau technique que ça pèche un peu plus. Si les environnements et la géométrie du monde sont au niveau, la modélisation des personnages, en particulier les visages et les animations, souffre parfois d’une rigidité surprenante. Disons qu’il ne faut pas regarder de trop près, quoi. Les PNJ majeurs sont très bien détaillés et expressifs, mais les personnages secondaires peuvent sembler un cran en dessous, créant un décalage visuel étrange entre l’opulence du décor et la relative simplicité des acteurs qui y évoluent. Le jeu est aussi, il faut le dire, techniquement très exigeant. Malgré des efforts visibles d’optimisation, des pics de charge dans les zones ouvertes et des chutes de framerate occasionnelles sont à déplorer. On regrette aussi des temps de chargement qui, sans être rédhibitoires, sont présents à chaque changement de zone majeure et viennent interrompre l’immersion.
The Outer Worlds 2 est porté par une bande-son exécutée avec brio. La musique n’est pas un simple accompagnement, c’est un personnage à part entière. La composition alterne avec brio entre des jingles corporatistes entraînants et légèrement dissonants – un rappel constant de l’emprise du Conseil – et des thèmes plus orchestraux, épiques, qui s’enflamment lors des découvertes d’anciens secrets ou des affrontements décisifs. La musique est dynamique, s’intensifiant subtilement lorsque la tension monte en dialogue et explosant lors du passage en DTT.
Là où on va il n’y a pas de route
The Outer Worlds 2 représente une véritable montée en puissance pour Obsidian, notamment quand il s’agit d’échelle. L’exploration ne se limite plus à quelques zones restreintes et interconnectées. Cette suite offre non pas des hubs, mais des planètes complètes, chacune avec sa propre économie, ses propres micro-factions et son lot d’histoires à déterrer. Le sentiment de voyager dans un univers vaste et hostile, entièrement soumis à la logique du profit, est plus palpable que jamais. La carte galactique elle-même est une invitation au voyage, chaque point lumineux représentant un potentiel de choix et d’exploration. Cette sensation de vastitude renforce l’idée que nous ne sommes qu’un grain de poussière dans un mécanisme froid et déshumanisant.
C’est cette échelle qui garantit une très, très grosse rejouabilité. Les choix majeurs du jeu sont si fondamentalement divergents qu’une seule partie ne suffit qu’à effleurer l’étendue des possibilités. Jouer en tant que génie scientifique charismatique mène à des résolutions de quêtes totalement différentes de celles d’un brute stupide capable de résoudre les problèmes par l’application rapide de la force brute et de l’intimidation. Le jeu encourage activement les builds spécialisés, récompensant le joueur qui s’engage pleinement dans une voie, qu’elle soit celle du pur dialogue, du stealth chirurgical, ou du combattant au corps-à-corps. Chaque nouveau run est une expérience radicalement différente, permettant de voir les conséquences des choix opposés sur l’évolution du cosmos d’Halcyon, qui est lui-même le personnage principal et la victime de cette saga. C’est un investissement en temps colossal, mais chaque heure est justifiée par la richesse du contenu et la qualité de la narration.
Le RPG qu’on attendait
The Outer Worlds 2 est le titre qu’on attendait – que, personnellement, j’attendais en lieu et place du premier opus. C’est l’essence même d’un bon gros RPG, la possibilité de créer son personnage comme on l’entend et voir ses choix avoir des impacts majeurs sur l’univers. Malgré quelques accrocs techniques et un système de combat perfectible, l’ampleur narrative et la direction artistique aux petits oignons en font un incontournable pour les avides de RPG SF.
Ce qu’on a aimé :
- Architecture narrative incroyablement ramifiée, offrant une liberté de choix terrifiante
- Direction artistique éblouissante, unique et magnifiant l’esthétique rétro-futuriste.
- Satire corporatiste plus féroce, plus sombre et profondément pertinente.
- Ubiquité des skills check permettant de terminer le jeu sans combat.
- Bande-son et doublage de premier ordre, essentiels à l’identité du jeu.
Ce qu’on n’a pas aimé :
- Le sentiment d’impact du combat reste étrangement en deçà des standards modernes.
- Modèles de personnages secondaires parfois rigides.
- Chutes de framerate occasionnelles.
- Les temps de chargement entre les zones majeures.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
The Outer Worlds 2 est disponible sur PC, Xbox Series et PS5.








