Il y a des jeux qui vous prennent par la main et vous murmurent des gentillesses à l’oreille, et puis il y a Hell Is Us. Ses promesses d’une expérience narrative singulière, baignée dans un univers qui flirte avec le Lovecraftien et l’exploration sans filet, sont fort séduisantes. C’est un jeu d’aventures, d’exploration, mais avant tout, c’est une expérience. Un pari osé… et réussi ?
Une certaine vision de l’enfer
Dès les premières minutes, Hell Is Us nous saisit. Pas par son action, mais par son silence et son atmosphère. C’est un jeu qui sait prendre son temps pour nous imprégner de son ambiance, une ambiance qui s’apparente à un rêve fiévreux et dérangeant. La direction artistique est sans conteste le point fort, le pilier sur lequel repose toute l’expérience. Et pour cause : on la doit à monsieur Jonathan Jacques-Belletête, qui a signé la direction artistique de Deus Ex: Human Revoluion et sa suite Mankind Divided
Hell Is Us nous plonge dans un monde en proie à une guerre civile sans merci. Nous incarnons un ancien habitant du pays d’Hadéa, qui revient y chercher des réponses et se retrouve bien vite confronté à des créatures cauchemardesques. Ces créatures, à la fois fascinantes et répugnantes, ne sont pas seulement des ennemis, mais des symboles dont vous découvrirez rapidement la signification.
Les décors ne sont pas en reste. On passe d’une zone urbaine désolée à des cavernes putrides et des temples oubliés. La verticalité est souvent de mise, et la simple observation des environs est une récompense en soi. Hell Is Us ne cherche pas à être réaliste dans le sens conventionnel du terme. Il recherche plutôt une forme d’expressionnisme, de malaise visuel. Et ça fonctionne. On se perd avec plaisir dans ces environnements, même s’ils peuvent parfois manquer de lisibilité, mais c’est un défaut qui sert la proposition du jeu.
La bande-son, minimaliste mais omniprésente, participe clairement à l’atmosphère. On a souvent des impressions de dissonances, de bourdonnements et de murmures qui montent en intensité lorsque le danger approche. Le sound design dans sa globalité est plutôt bien pensé, avec une véritable tension permanente. Ceci étant dit, on nous dit dès le départ qu’il faut utiliser ses sens (et par exemple l’ouïe !) pour résoudre les énigmes, mais dans les faits, je n’ai pas eu à compte particulièrement dessus passé le petit tuto.
Tant qu’on est sur l’aspect sonore du jeu, il est important de noter que cette bande-son, par son caractère très monotone et ambiant, ne sera pas au goût de tout le monde. Elle participe activement à l’atmosphère, mais peut aussi s’avérer lassante pour les joueurs en quête de mélodies plus distinctes et d’un accompagnement musical plus dynamique voire plus… musical tout simplement.
C’est dans les vieux pots…
Là où Hell Is Us fait un pas de côté par rapport à la plupart des jeux d’action, c’est dans son approche du gameplay et de l’exploration. Le jeu ne vous donne aucune carte, aucun journal de quêtes, aucune balise lumineuse. Il vous lâche dans son monde et vous dit : « Débrouille-toi ». C’est une philosophie qui rappelle les vieux jeux d’aventure où il fallait littéralement prendre un calepin pour noter des indices et des lieux. Et ça, c’est un pari risqué. Pour certains, cette liberté sera une bouffée d’air frais, une manière de renouer avec une forme de jeu plus organique et plus lente. Pour d’autres, ce sera un chemin de croix.
Me concernant, je dois bien avouer que le ressenti est en demi-teinte. Le fait de véritablement lâcher le joueur et le laisser connecter les points tout seul est franchement rafraîchissant, d’autant que je suis le premier à pester contre les parcours fléchés. L’idée ici est plutôt maîtrisée puisqu’on n’a pas un monde ouvert géant, mais un monde semi-ouvert avec des niveaux cloisonnés. Cependant, le fait d’avoir des éléments indispensables aux différentes enquêtes à différents moments de l’aventure – plus ou moins éloignés – peut véritablement vous bloquer, purement et simplement, pour une broutille. Calepin ou pas.
Le système de combat, quant à lui, est à la fois simple et exigeant. Il repose sur l’esquive et le contre. Chaque coup porté par les créatures a une lecture, un timing précis qu’il faut apprendre à maîtriser. Ce n’est pas un Souls-like au sens strict, il est moins punitif dans ses mécaniques – par exemple les ennemis réapparaissent au changement de zone, pas à la mort -, mais la philosophie est là : l’apprentissage par l’échec. Il faut comprendre l’ennemi pour le vaincre. Le problème, c’est que les sensations ne sont pas toujours au rendez-vous. Les coups manquent de poids, de feedback, et le personnage peut parfois donner l’impression d’être un peu rigide. En plus de ça, les contres sont franchement frustrants puisque vous êtes obligé d’atteindre la fin de l’animation de votre coup si vous voulez contrer… sauf que les ennemis sont lents et les attendre se traduirait par des combats plus mous qu’un caramel en plein soleil.
Mais c’est bien l’exploration qui est au cœur de l’expérience. Le jeu nous force à regarder autour de nous, à observer les détails de l’environnement, à se souvenir de passages et d’indications visuelles. Ce n’est pas un jeu où l’on sprinte d’un point A à un point B. C’est un jeu de contemplation et de patience. On peut passer de longues minutes à chercher son chemin. Cette approche est à double tranchant. Elle peut générer une frustration intense pour les joueurs habitués aux standards modernes, mais c’est aussi ce qui fait la singularité de Hell Is Us. Le jeu n’est pas fait pour tout le monde, et il faut en avoir conscience avant de s’y lancer. Un peu comme un Dark Souls en somme, sauf que la véritable difficulté n’est pas nécessairement là où vous l’attendez.
Faudrait pas qu’ils parlent, quoi
Malheureusement, le beau tableau brossé par la direction artistique et l’ambition du gameplay est parfois terni par des problèmes d’exécution. Le plus évident est sans aucun doute le doublage français. Ah bordel que c’est raté. C’est simple, les voix sont plates, sans âme, sans émotion.
Pour vous donner un exemple, je pense à une scène où un homme nous raconte comment il a perdu ses deux fils. Une scène poignante, qui devrait être bouleversante. Dans les faits, le pauvre homme pourrait me raconter la façon dont il a rénové ses toilettes avec le même ton de voix, je ne percevrais pas la différence. Et hormis quelques rares exceptions, tous les doublages sont come ça. Dans un jeu qui mise tant sur son ambiance et sa narration, c’est carrément carton rouge.
Le jeu souffre aussi de quelques soucis techniques. Le framerate, bien que stable la majorité du temps, a tendance à baisser de manière inexplicable dans certaines zones. Les collisions sont parfois hasardeuses, et il arrive de se retrouver coincé dans un décor ou de voir un ennemi attaquer à travers un mur.
Des bugs qui, pris individuellement, ne sont pas graves, mais qui mis bout à bout, nuisent à la fluidité et à la crédibilité du monde. Ces imperfections, bien que mineures pour la plupart, rappellent que le jeu n’est pas aussi poli qu’il pourrait l’être. On sent que le budget et le temps de développement n’ont pas permis de peaufiner tous les aspects de l’aventure, et c’est dommage, car Hell Is Us a des fondations très solides.
Un diamant bien brut
Au final, Hell Is Us est une œuvre qui respire l’ambition. C’est un jeu qui a du caractère, une vision artistique forte et qui n’a pas peur de prendre des risques, en nous offrant un monde riche et monstrueux, et une philosophie de jeu qui force le joueur à s’investir, à réfléchir et à explorer de manière autonome. C’est un retour aux sources, une proposition audacieuse dans un marché saturé de jeux balisés. Mais cette audace ne suffit pas toujours à masquer les failles. Le gameplay, bien qu’intéressant dans son principe, manque de la précision et du poids nécessaire pour être pleinement satisfaisant, tandis que le doublage échoue à retranscrire l’émotion des scènes. Hell Is Us est un titre de niche, destiné aux joueurs qui recherchent une expérience singulière, qui ont la patience d’explorer sans aide et qui sont prêts à faire abstraction de ses défauts techniques. Pour ceux qui acceptent ce marché, il peut être une expérience mémorable et unique. Pour les autres, il sera peut-être plus un enfer qu’un paradis.
Ce qu’on a aimé :
- Direction artistique unique et envoûtante.
- Atmosphère sombre et immersive.
- Concept de jeu sans carte ni aide, qui encourage l’exploration.
- Univers Lovecraftien et créatures dérangeantes.
- Prise de risque et ambition du projet.
Ce qu’on n’a pas aimé :
- Aïe aïe aïe le mauvais doublage.
- Bande-son trop monotone qui peut lasser à la longue.
- La progression par moments trop cryptique, même pour le concept.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Hell Is Us est disponible sur PC, Xbox Series et PS5.















